les entreprises ont un rôle a jouer pour apporter du progrès positif

Sébastien Delpont

Sébastien Delpont est Directeur associé chez Greenflex et Directeur d'EnergieSprong France. Il nous partage sa vision du rôle que les entreprises ont à jouer pour apporter du progrès positif à la société.


Les citoyens sont de plus en plus engagés sur les sujets de transition, de ton point de vue comment le perçoivent les entreprises et comment cela se traduit ?

En effet, aujourd’hui l’appétit des citoyens et consommateurs pour des solutions plus vertes est grandissant. Les questions que se posent les entreprises sont : Est-ce des micro niches ou des macro niches ? Faut-il se préparer tout de suite ou plus tard ? Est-ce que je dois jouer un rôle pour accélérer le mouvement, devancer les attentes de mes clients ou être simplement suiveur ?
Certains considèrent que leur rôle est de suivre la société et qu’ils ne sont pas là pour la faire changer. Pour ma part, j’estime au contraire que les entreprises ont un rôle sociétal à jouer pour faire grandir et changer les gens. Il faut oser sortir du dogme où le client a toujours raison et avoir le courage de les amener à basculer.

Dans les organisations, on voit émerger une sorte de « hacker mindset » en bas de la pyramide. De plus en plus de personnes osent s’affranchir des limites de leur poste voire de la hiérarchie en se disant « je ne vais pas demander l’autorisation pour changer le monde » et proposent des actions concrètes. Les gens ont de plus en plus le courage de faire. Ils cherchent à être porteurs de sens là où ils sont et sont prêts à aller voir ailleurs si l’entreprise ne veut pas se transformer. De plus en plus de personnes se saisissent notamment des effets d’annonce de leur CEO sur des objectifs environnementaux et sociétaux ambitieux pour le prendre au mot et proposer des projets concrets positifs.

Entreprise au coeur du mouvement de la transition écologique






Dans un article que tu as écrit sur l'entreprise contributive, tu dis "Les entreprises ne doutent pas du pourquoi [elles doivent devenir contributives], elles doutent du comment. L’entreprise est une aventure humaine, collective. Il ne tient qu’à nous de la réorienter. De plus en plus réinterrogent leur utilité et leur raison d’être, jusqu’à se transformer en entreprises à mission – changeant même leurs statuts – ou en entreprises solidaires d’utilité sociale. Se réinventer est possible." 

Quel est l’intérêt d’intégrer des collaborateurs ou des parties prenantes dans cette démarche de réinvention?

Ma position est qu’il faut recourir à la co-construction pour définir le « comment » mais il faut à tout prix éviter un consensus mou sur les objectifs. On ne demande pas aux gens s’ils veulent être 0 carbone ou pas par exemple, on considère que c’est indispensable qu’ils le soient, il faut lire les rapports du GIEC.

Il est important de se demander : à quoi sert la co-construction ? Trop souvent c’est une façon d’embarquer les gens qui ont peur du changement vers la fixation d’ambitions, ce qui fait qu’on se retrouve avec des ambitions molles.
Pour servir cette nécessaire réinvention de l'entreprise, la co-construction doit être accompagnée par un leadership courageux dans l'entreprise pour dire "voilà ce dont a besoin le monde". Il faut réussir à se fixer à des objectifs externes à partir de données objectives et basées sur la science et les attentes de la société.

Cependant, on peut co-construire le chemin pour arriver jusqu’à ces objectifs et pour cela il est intéressant d’y associer ses clients, fournisseurs, partenaires, services internes. On co-construit le plan d’action avec les parties prenantes qui connaissent mieux leur métier que nous. 

Quelle est la place de l’expert dans les démarches de transition intégrant de la co-construction ? 

C’est un jeu de ping pong.

L’expert doit pousser ses clients à sortir de leur cadre habituel et en même temps il y a des choses qu’il faut comprendre sur le terrain pour ne pas être hors sol. Plus on comprend précisément, plus on arrive à soigner.

Nous sommes des formes de médecins des organisations, si les gens ne nous parlaient pas pour nous dire où ils ont mal, ce serait compliqué de les soigner. Cela permet d’être plus fin dans notre diagnostic et nos recommandations. Ensuite, comme en médecine, il y a des médicaments qui fonctionnent sur certains et pas sur d’autres.

L'intelligence collective et la facilitation ont un rôle précieux dans la capacité à transformer les organisations. Si on ne comprend pas qui elles sont, d’où les gens viennent, quelle est leur histoire, leur culture, leurs habitudes, on n’arrive pas à les faire changer.
Le rôle du/de la facilitateur.trice est de faire parler les gens, exprimer les idées. Ensuite, il faut voir comment elles se traduisent en action et c’est là qu’il est intéressant de recourir à des sachants pour avoir des avis d'experts et franchir le pas de prendre des décisions radicales.

Selon toi, l’entreprise peut être source de “progrès positif”?

Oui, l’entreprise peut être source de progrès positif, mais il va falloir passer de quelques entreprises contributives à une économie régénérative, une économie où les entreprises cessent d’avoir comme réflexe de fuir l’impôt et leurs responsabilités, et où l’on donne du temps et des moyens aux intrapreneurs et entrepreneurs du changement.